« nous montrons l’impact de la civilisation sur la nature »
Lori Nix et Kathleen Gerber travaillent en tandem depuis près de 20 ans. Basées à Brooklyn et à Cincinnati, elles fabriquent des dioramas très détaillés d’environnements variés (intérieurs de bâtiments ou espaces extérieurs) et photographient ensuite le résultat. « Nous nous considérons comme des photographes de faux paysages, expliquent les deux artistes. Nous construisons les maquettes avec la plus grande méticulosité, puis nous les prenons en photo pour les immortaliser. Grâce au processus photographique, la scène fictive se transforme en un univers surréel, où les proportions, les perspectives et le support photo créent une tension entre la réalité de la scène et l’impossibilité de son contenu narratif. Dans cet espace entre réalité et fiction, l’imagination du spectateur se réveille et se déploie. Chaque scène est porteuse d’une narration riche, complexe et foisonnante, qui est ouverte à de multiples interprétations.
« Nous sommes fascinées par l’entropie, par les ruines que la démesure humaine laisse derrière elle.. »
On retrouve dans notre travail plusieurs fils rouges, précisent-elles: les images construites, les espaces dévastés, le danger latent couplé à l’humour. Ces éléments sont les matériaux bruts d’un travail qui transmet des messages, sans jamais asséner de conclusions. Nos photos n’ont donc rien à voir avec les habituels clichés de paysages idylliques. Plutôt que de montrer la beauté ou le pathos, nous nous attachons aux aspects plus sombres de la vie. Nous sommes fascinées par l’entropie, par les ruines que la démesure humaine laisse derrière elle. Le plus souvent, il n’y a pas d’êtres humains dans nos scénographies. Cette absence est importante: nous montrons l’impact de la civilisation sur la nature dans un monde post-humanité. Les preuves d’une présence humaine sont bien là, mais les êtres humains ont disparu et on ignore pourquoi. C’est au spectateur de compléter l’histoire. »
Entre 2005 et 2015, Lori Nix et Kathleen Gerber créent la série photographique The City, reproduite ici : « Dans cette série, disent-elles, nous nous concentrons sur les ruines urbaines. Nous avons choisi des espaces qui célèbrent la culture d’aujourd’hui, le savoir ou l’innovation : un théâtre par exemple, un musée, une bibliothèque ou un magasin vendant des aspirateurs. Ces hauts lieux de la civilisation et du consumérisme sont à l’abandon. Plantes, insectes et autres animaux commencent à se réapproprier l’espace. Les images évoquent le paradis perdu, la nature qui reprend ses droits. Une thématique qui s’impose avec force vu la gravité croissante des défis environnementaux de notre planète. »