© Robert Polidori, « After the Flood », 2006
© Robert Polidori, « After the Flood », 2006

à La Nouvelle-Orléans, la jungle impose sa loi

Nathaniel Rich illustre l'incroyable capacité de la nature à récupérer des espaces abandonnés. Six ans après le passage de l’ouragan Katrina, le quartier du Lower Ninth Ward est devenu une friche. Ses habitants se battent pied à pied contre la végétation luxuriante.
© Robert Polidori, « After the Flood », 2006
© Robert Polidori, « After the Flood », 2006

On a des serpents. De gros serpents. Des serpents royaux, des crotales”, raconte Mary Brock. Elle est en train de promener Pee Wee, un petit westie nerveux qui file dans les buissons à la moindre occasion – brise soudaine, gravier qui bouge, car de touristes qui descend Caffin Avenue à grand fracas. Pee Wee a cependant des raisons d’être inquiet. Mary Brock est inquiète. La plupart des habitants du Lower Ninth Ward de La Nouvelle-Orléans sont inquiets. “Il y a beaucoup de gens de mon quartier qui sont morts après Katrina, confie Mary Brock. Trop de stress.

La source de stress la plus immédiate en ce matin d’octobre, ce sont les rottweillers errants. Mary Brock en a vu des meutes dans les terrains couverts de végétation, en train de rôder à la recherche de nourriture. On dirait bien que Pee Wee les a vus aussi. “Je sais que c’étaient des animaux de compagnie parce que ce sont des bêtes magnifiques.” Elle se reprend : “C’étaient des bêtes magnifiques. La première fois que je les ai vus, ils étaient gentils et propres. Maintenant, ils ont juste l’air triste.

« Pour visualiser ce qu’était le Lower Ninth en septembre […], il faut comprendre qu’il ne ressemblait plus à un environnement urbain ni même périurbain. Les rangées bien ordonnées de maisons individuelles avec voie d’accès et jardin avaient été remplacées par la jungle, une végétation arrivée après Katrina. »

Le Lower Ninth est devenu le lieu où l’on se débarrasse des chiens et chats indésirables. Les gens de toute la ville franchissent Industrial Canal par le Claiborne Avenue Bridge, parcourent les rues défoncées jusqu’à ce qu’ils trouvent un endroit désert et expulsent les animaux de leur ­voiture. Il n’y a pas que des animaux. Le quartier reçoit toutes sortes d’objets indésirables. Plutôt que d’aller à la décharge municipale de New Orleans East, les entreprises du bâtiment y déversent des camions entiers de gravats. Les marchands de voiture y abandonnent des pneus par dizaines. On voit aussi des piles de déchets ménagers, des bouts de mousse isolante, des canapés trempés gonflés comme des éponges de mer et des voitures abandonnées – qui contiennent parfois des ca­davres. En août, la police a découvert un corps incinéré dans une Dodge Charger abandonnée au milieu d’un terrain situé à deux pâtés de maisons de l’endroit où Mary Brock promène Pee Wee. Personne ne savait depuis combien de temps le véhicule était là : il était séparé de la maison la plus proche par une végétation atteignant 3,50 mètres de haut. D’ailleurs, toute cette portion de rue n’est plus visible. Elle a été engloutie par la forêt. Des deux côtés de la rue, les logements sont abandonnés.

Parler de terrains abandonnés prête à confusion lorsqu’on parle du Lower Ninth Ward. Ce sont des pans entiers du ­quartier qui ont été désertés, et il est souvent difficile de savoir où finit un terrain et où commence l’autre. Pour visualiser ce qu’était le Lower Ninth en septembre – avant que la ville ne décide, très ré­cemment, de le reconquérir –, il faut comprendre qu’il ne ressemblait plus à un environnement urbain ni même périurbain. Les rangées bien ordonnées de maisons individuelles avec voie d’accès et jardin avaient été remplacées par la jungle, une végétation arrivée après Katrina.

Après l’ouragan, nombre des bâtiments en ruine ont été déblayés. Et les terrains habités, environ un par pâté de maisons, sont l’exception. Avec leur pelouse soigneusement tondue, leur clôture bien droite, ils contrastent avec le reste du décor. Pourtant, la nature sauvage est partout. “Mon voisin vient juste de voir une petite famille de ratons laveurs défiler dans la rue”, déclare Don Porter. Il habite l’une des zones les plus occupées du quartier. Son pâté de maisons en compte quatre, dont deux seulement sont vides. “Et on voit des lapins. Des aigrettes, des pélicans”, ajoute-t-il. “Il y a un raton laveur qui se balade sur notre toit”, confie Terry Jacko, 23 ans, devant sa maison de Reynes Street. “Il est énorme. La première fois que je l’ai entendu, j’ai cru que c’était un type.” On a vu des tatous, des coyotes, des chouettes, des faucons – et même un alligator de plus de 1 mètre s’abreuver à une bouche d’incendie. Les rats posent moins de problèmes depuis quelque temps, grâce aux chats errants et aux oiseaux de proie. Mais il n’y a pas que des animaux qui se terrent dans les buissons. “Parfois, je vois des gens sortir de là”, déclare Terrence en désignant les ruines de deux maisons couvertes de végétation de l’autre côté de la rue. “Ils essaient de s’introduire chez moi.

« Le quartier a connu une colonisation inversée pendant six ans et demi : la nature a reconquis la civilisation. Les habitants se sont battus à coups de hachette et de sécateur pour repousser les colonisateurs : Leersia hexandra, ambroisie trifide, arbre à suif. Mais, en août dernier, sixième anniversaire de Katrina, il était clair que la nature avait triomphé. »

Johnny Windsor, qui vit avec sa femme non loin de là dans une maison reconstruite entourée de tous côtés par la forêt, a vu des choses plus inquiétantes. “Ils transportent des cadavres là-bas”, assure-t-il en désignant un bosquet de l’autre côté de la rue. Il se passe des choses terribles dans les terrains abandonnés. Une jeune fille de 16 ans qui revenait de l’école à pied a été entraînée dans une maison en ruine et violée. Aussi Windsor et sa femme montent-ils la garde à tour de rôle devant chez eux. “On ne sait jamais, il y a peut-être quelqu’un allongé dans l’herbe prêt à tirer”, confie-t-il.

Le quartier a connu une colonisation inversée pendant six ans et demi : la nature a reconquis la civilisation. Les habitants se sont battus à coups de hachette et de sécateur pour repousser les colonisateurs : Leersia hexandra, ambroisie trifide, arbre à suif. Mais, en août dernier, sixième anniversaire de Katrina, il était clair que la nature avait triomphé. En septembre 2011, Mitch Landrieu, le maire de La Nouvelle-Orléans, a annoncé l’envoi de troupes supplémentaires dans la bataille du Lower Ninth. Il a baptisé leur mission Programme pilote d’entretien des terrains. C’était la troisième fois que la municipalité tentait de nettoyer les terrains du Lower Ninth. Le premier entrepreneur à avoir été retenu était un repris de justice, le deuxième, engagé en 2011, a été chargé de nettoyer chaque terrain une seule fois, ce qui n’a pas servi à grand-chose parce que tout a repoussé en quelques mois. Cette fois, la municipalité a décidé de s’occuper elle-même de la question : ce sont ses services qui ont recruté les ouvriers et qui supervisent le projet. Le Programme d’entretien des terrains fonctionne avec une équipe de douze hommes – tous habitants du Lower Ninth ou anciens délinquants, une escouade qui se bat pâté de maisons par pâté de maisons pour reconquérir le terrain. Aussitôt leur tâche achevée, le cycle recommencera.

Pour comprendre pourquoi La ­Nouvelle-Orléans a cédé un quartier entier à la nature pendant six ans, il est nécessaire de revisiter un chapitre de l’ère post-Katrina tellement douloureux que peu de gens en ville ont le courage d’en parler. Richard Campanella, un géographe de l’université de Tulane, l’a appelé le “grand débat de l’empreinte”. Comme la plus grande partie de la ville était en ruine, la municipalité devait décider comment elle comptait reconstruire : quelles zones devaient avoir la ­priorité et quelles zones devaient être repensées. Pour certains, le problème ­était mathématique. La population de La ­Nouvelle-Orléans a atteint 627 525 habitants en 1960. Pour loger tout ce monde, la ville s’est étendue sur des terres basses et marécageuses qui auparavant étaient considérées comme inhabitables. Ce sont ces zones qui ont été le plus durement touchées par la tempête. Un an après Katrina, la population de la ville est passée à 200 000 personnes. Une ville construite pour 627 000 habitants pouvait-elle survivre avec une population près de trois fois moins élevée ? Les contribuables avaient-ils les moyens d’entretenir des services comme l’enlèvement des ordures, la police, les égouts et des kilomètres de rues qui se dégradent en permanence ? Sinon, que devait-on faire des zones basses et de leurs habitants exilés ?

« Les ruines du Lower Ninth attirent géographes et écologistes du monde entier, en particulier ceux qui étudient les catastrophes, un domaine récent qui a un grand avenir. “C’est un laboratoire naturel fascinant”, déclare Michael Blum, un écologiste de l’université de Tulane. »

Un groupe de travail chargé en 2005 de plancher sur la question par Ray Nagin, le maire d’alors, recommanda de transformer de grandes parties des quartiers les plus touchés en “espaces verts”. Cela activa l’instinct de survie des associations locales, qui y voyaient une tentative dissimulée d’en finir avec les quartiers les plus pauvres (et les plus noirs) de la ville. Nagin rejeta les recommandations de la commission et adopta une approche qu’on pouvait très généreusement qualifier de laisser-faire. Les habitants furent autorisés à revenir comme ils le voulaient dans le Lower Ninth, qui avec ses 5,8 kilomètres carrés fait plus de quatre fois la taille du Quartier français. Selon le dernier recensement, la zone compte désormais 5 560 personnes, un peu plus du quart du nombre de résidents recensés en l’an 2000. Il n’y a ni police, ni station de pompiers, ni supermarché, ni hôpital. Entre la faible densité de population et l’absence de services de base, la plus grande partie du Lower Ninth est devenue ce que les Néo-Orléanais voulaient désespérément éviter après la tempête : un espace vert.

Landrieu, qui a été élu en 2010 et qui est très populaire, a injecté des fonds fédéraux et locaux considérables dans des projets de construction dans le Lower Ninth : 60 millions de dollars ont ainsi été affectés à la réparation des rues, 50 millions à la reconstruction des écoles et 14,5 millions à un nouveau centre communautaire. Mais s’attaquer aux terrains constitue bien entendu la première étape : comment peut-on réparer une rue si on ne la voit pas ?

Rares sont les villes à avoir autant été marquées par leur situation géographique que La Nouvelle-Orléans. Le géographe Peirce Lewis l’avait qualifiée de “ville impossible sur un site impossible”. Ici, la situation détermine le destin ou, plus précisément, l’élévation détermine le destin. Les quartiers “historiques”, les plus riches, les plus blancs, se trouvent sur des hauteurs. La plupart des quartiers les plus récents et les plus pauvres, où se concentrent les Néo-Orléanais de souche, se ­trouvent au niveau de la mer ou au-dessous et sont en train de s’enfoncer. Il y a 3,60 mètres de différence entre le Quartier français, qui a survécu sans grand dommage à Katrina, et le bas du Lower Ninth.

Les ruines du Lower Ninth attirent géographes et écologistes du monde entier, en particulier ceux qui étudient les catastrophes, un domaine récent qui a un grand avenir. “C’est un laboratoire naturel fascinant”, déclare Michael Blum, un écologiste de l’université de Tulane. “La Nouvelle-Orléans est une zone exceptionnelle pour comprendre les principes écologiques liés à une perturbation. Le Lower Ninth est au cœur de cette problématique.” Ce qui distingue le Lower Ninth des quartiers les plus délabrés de villes, comme Detroit et Cleveland, c’est que Katrina n’a pas seulement été destructrice, elle a provoqué une “réorganisation catastrophique du paysage”. Comme au Japon, la montée des eaux a détruit la plupart des structures humaines. Dans la plus grande partie du quartier, rien n’est resté : ni hommes, ni végétaux, ni animaux. “En 2007, avant le début de la reconstruction, quand on allait là-bas, c’était comme aller sur une terre agricole, précise Blum. La zone avait été littéralement rasée.

Une frénésie végétale

Ce qui s’est passé au cours des années suivantes a fait du Lower Ninth l’un des sujets d’étude écologique les plus intéressants au monde. Les écologistes avaient émis l’hypothèse qu’après une catastrophe les communautés humaines, animales et végétales réinvestissaient toutes les lieux au même rythme. Mais cette théorie n’avait pas été testée en temps réel. Blum fait partie d’un groupe de scientifiques (écologistes, ornithologues, botanistes, géographes et sociologues) qui étudient l’évolution du Lower Ninth pour savoir comment l’homme et l’environnement feront face aux futures catastrophes.

« La composition écologique du quartier est peut-être variée, mais elle est aussi extrêmement instable. “C’est un mélange très curieux, un mélange qu’on ne verrait pas dans la nature”, explique Blum. Ecologiquement parlant, Katrina a créé un monstre. »

Le constat, c’est que, dans cette course entre la nature et l’homme, la nature a ­rapidement pris le dessus. Les choses ont cependant évolué de façon bizarre : le Lower Ninth a été assailli par une frénésie végétale. Un mélange chaotique d’espèces, dont beaucoup n’avaient jamais poussé dans ce coin, se battent pour dominer les lieux. On a vu s’installer toute une série d’arbres, dont certains exotiques – par exemple, le lilas des Indes, le saule noir, le savonnier, qui se sont couverts de plantes grimpantes. Le sous-bois forme un mé­lange chaotique de plantes aussi hautes que des paniers de basket et d’arbustes et de plantes à fleurs comme les lantaniers, les lauriers et les oxalis. Des espèces invasives sont arrivées par les grandes avenues, les graines ayant été apportées par les pick-up qui se rendent en ville. La composition écologique du quartier est peut-être variée, mais elle est aussi extrêmement instable. “C’est un mélange très curieux, un mélange qu’on ne verrait pas dans la nature”, explique Blum. Ecologiquement parlant, Katrina a créé un monstre.

Les douze hommes engagés pour apprivoiser ce monstre se retrouvent dans le Lower Ninth tous les matins à 7 h 30. Ils sont vêtus d’un tee-shirt vert clair fourni par la ville qui porte le slogan “Luttons contre la dégradation”. Le Programme d’entretien des terrains prévoit le nettoyage de vingt propriétés par jour. L’équipe arrive sur un terrain, plusieurs hommes arpentent le site et tirent sur le bord de la route les gros déchets ou les pneus qu’ils trouvent. Puis vient le tracteur, un Mahindra 4025 à deux roues motrices, qui parcourt le terrain concerné comme un bélier.

“Chaque jour, il y a vingt cars de touristes qui descendent la rue pour prendre des photos. Ne me dites pas qu’ils visitent simplement la ville. Non, ils visitent juste la partie de la ville qui a été dévastée. Et le Lower Ninth Ward ne reçoit pas un rond pour ça.”

Je n’ai pas vu de cadavres ni de squelettes”, déclare Enri Jacques, un des plus âgés de l’équipe. “Que des lapins, des ratons laveurs et des serpents jarretières [une couleuvre américaine].” Après avoir perdu sa maison dans la tempête, Enri Jacques a dormi pendant quatre nuits sur le Claiborne Bridge. Il a entendu parler du programme de nettoyage par son officier de probation. “C’est mieux que d’être incarcéré. J’avais beaucoup de mal à trouver du travail. Ce boulot est une bénédiction : ma maison n’est toujours pas complètement habitable, mais, maintenant que je travaille, je peux mettre un peu d’argent de côté.”

Mais le Programme d’entretien des terrains ne satisfait pas tout le monde. M. Harris, qui refuse de donner son prénom, se tient sur une plate-forme panoramique édifiée sur le mur anti-inondation qui borde Bayou Bienvenue. Il crache ses graines de tournesol, écœuré. Un car de luxe rempli de touristes abrités derrière des vitres teintées descend Florida Street. Harris fulmine (dix-sept jurons ont été coupés de la déclaration suivante) : “Chaque jour, il y a vingt cars de touristes qui descendent la rue pour prendre des photos. Ne me dites pas qu’ils visitent simplement la ville. Non, ils visitent juste la partie de la ville qui a été dévastée. Et le Lower Ninth Ward ne reçoit pas un rond pour ça. Pourquoi je touche rien, moi ? Pourquoi c’est le type qui conduit le car qui ramasse tout l’argent ? Je suis pas un cobaye. C’est nous qui avons souffert, qui avons tout perdu. Il y a encore des morts qui n’ont pas été retrouvés. Il a fallu presque sept ans au Lower Ninth Ward pour ressembler à ce à quoi il ressemble aujourd’hui, et il ne ressemble pas à grand-chose.

Le circuit Katrina du Lower Ninth Ward coûte actuellement 40 dollars. Il est proposé par Big Easy Tours, Historic New Orleans Tours et Gray Line, qui offre à ses clients “la possibilité de voir de leurs yeux les événements qui ont accompagné la catastrophe naturelle et humaine la plus dévastatrice à s’être déroulée sur le sol américain !”, plus la possibilité de “passer devant une vraie digue qui s’est rompue”.

Tauck, un tour opérateur haut de gamme, consacre au Lower Ninth Ward une matinée de son package huit jours à La Nouvelle-Orléans (à partir de 2 750 dollars). La journée commence à l’église baptiste Greater Little Zion, fondée en 1900 et reconstruite un an après la tempête. Les quarante-deux membres du groupe, presque tous blancs et âgés de plus de 60 ans, regardent, assis dans les travées, une vidéo présentant les destructions. Laura Paul, une Canadienne de 41 ans qui est venue comme bénévole après Katrina et n’est jamais repartie, fait une introduction sur les horreurs de l’ouragan : les tombes anonymes, les boues toxiques, les cruelles absurdités bureaucratiques de l’Agence fédérale des situations d’urgence (FEMA). Laura Paul dirige aujourd’hui lowernine.org, une association à but non lucratif qui reconstruit les maisons et exploite une ferme urbaine. C’est cette association qui a collecté les renseignements sur les terrains abandonnés qui ont servi à mettre au point le Programme d’entretien des terrains. Tauck lui reverse 25 dollars par participant.

Le problème de ce quartier, ce ne sont pas les circuits eux-mêmes, mais le fait que certains se font de l’argent avec, sans rien reverser à la communauté, déclare Laura Paul. Et les gens se montrent parfois irrespectueux : ils sortent des cars, arpentent les propriétés privées et prennent des photos. Mais je pense vraiment que ce que fait Tauck est bien. J’aime bien les gens qu’ils amènent dans le quartier. Ce sont surtout des Blancs de la grande bourgeoisie. Ils ont beaucoup d’argent.

La jungle a été nettoyée

Puis vient l’heure de la visite guidée. Comme le car est trop grand pour s’aventurer dans les rues résidentielles défoncées, il reste sur les grandes artères qui jouxtent les sections les plus dévastées du Lower Ninth. Lors de cette visite d’octobre, il longe Industrial Canal en faisant une pause pour que les passagers puissent voir la zone où la digue s’est rompue. Alors qu’il passe lentement au milieu des maisons, un adolescent se précipite vers le bord du trottoir, et le chauffeur freine. Les portes du car s’ouvrent et le jeune monte. Il tient un carton plein de pralines maison. “Dix dollars les trois, lance-t-il. Achetez, c’est pour une bonne cause.” Les quarante-deux passagers se figent sur leur siège et regardent droit devant eux en silence. “Quelqu’un veut faire don d’un dollar ?” Personne ne bouge. Après une pause douloureusement longue, il redescend dans la rue. Le car repart vers le Quartier français.

Le Programme d’entretien a désormais nettoyé plus de 1 200 terrains. Le quartier est complètement transformé. On voit toujours des maisons en ruine pencher comme de vieux boxeurs dans presque toutes les rues, la chaussée est toujours une course d’obstacles et il y a peu de personnes en vue à part les touristes, mais il n’y a plus de pâtés de maisons entiers de jungle. Les pires coins du quartier sont désolés mais propres. Nul ne sait exactement ce qu’il va advenir des terrains nettoyés.

Quand j’ai posé la question à Landrieu, il n’a pas eu de réponse précise, mais a souligné la nécessité de faire appel à l’investissement privé. “Nous ne savons pas ce que ça donnera au final, mais nous voulons que ces terrains repassent dans les mains de personnes privées qui en prendront la responsabilité. Nous allons faire tout ce que nous pouvons pour les rendre intéressants pour des investisseurs privés.” Même si la ville a fait des progrès importants pour rétablir la situation dans d’autres quartiers pauvres, Landrieu reconnaît que le Lower Ninth “est devenu, à tort ou à raison, le symbole de la renaissance de La Nouvelle-Orléans”.

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